Heuresthésie

5 février 2018 par Luci Sogorb

PROJET SYNESTHÉORIE

Heuresthésie

Définition de l’heuresthésie :

Possibilité d’accéder, par la perception et sans exercice d’un contrôle conscient ou volontaire, à une connaissance ou une compétence objectivable. Quand la synesthésie fertilise l’esprit.

 

Le concept a été cité dans une thèse en 2015 et a fait l’objet d’une publication dans un ouvrage collectif pour une groupe de recherche du CNRS en 2016.

 

«Les synesthésies sont des perceptions pures, correspondant aux premiers niveaux de traitement de l’information issue du réel. N’étant pas interprétées par la conscience, elles informent de la nature objective du monde, non de ce qu’il doit être pour l’intérêt subjectif de l’individu.»

 


 

Explorant la richesse des perceptions synesthésiques et tentant d’estimer de l’importance, consciente ou inconsciente de la multimodalité sensorielle dans le vécu de tout un chacun, le Projet Synesthéorie pose la question de la source première de nos pensées, du substrat de notre intuition et de notre créativité
(lire : La synesthésie : support de toute intégration du réel ?).

 

En plus de participer au fonctionnement normal de la cognition, de nombreux témoignages nous informent de ce que l’expression des sens pourrait aussi jouer un rôle important dans l’acquisition de savoirs ou de compétences étonnantes, voire extraordinaires, pourtant parfaitement vérifiables et souvent utiles à la communauté (lire : De la synesthésie à l’heuresthésie : des capacités extraordinaires).

 

Ces expériences intuitives, dont on ne comprend pas encore bien la survenue ni comment elles se manifestent en-dehors de tout processus décisionnel ou de tout contrôle volontaire, ne restent cependant et assurément que la résultante de processus perceptivo-cognitifs naturels et normaux, en aucun cas magiques ou paranormaux, et ne sauraient non plus être de réductrices compétences marginales d’individus aux profils pathologiques.

 


 

L’influence des associations de différentes modalités d’intégration du réel sur la cognition et la création trouve désormais un nouvel encadrement épistémologique par la définition du concept d’heuresthésie :

 

Le terme heuristique, dont l’étymologie d’origine grecque désigne la connaissance, est le domaine scientifique qui s’intéresse à la découverte, au cheminement vers un résultat.

 

En reprenant la racine du mot et en la juxtaposant au radical aisthesis évoquant le sensible et l’intelligence, l’heuresthésie désigne ces moments ou ces permanences de l’être qui, par l’entremission et la coordination de ses sens et, dépassant sa propre volonté, de façon consciente ou non, atteint à l’essence du monde pour en admettre l’univoque et absolue définition existentielle.
Cette expérience esthétique, éminemment intime, doit trouver confirmation par l’intermédiaire d’une production structurée de données rigoureusement vérifiables pour être qualifiée d’heuresthésie.

 

Le concept d’heuresthésie définit en outre un nouveau champ d’exploration pour tenter de comprendre la nature humaine : de quelle nature est le support de notre vécu subjectif, de la pensée en général ? Comment acquérons-nous nos compétences adaptatives, quel est le rôle de la volonté dans les apprentissages ?
En particulier : d’où provient notre intuition et quelle est la source de toute créativité ? 

 


 

D’autres témoignages laissent penser que certaines des plus grandes œuvres de l’humanité ont pu être inspirées par des expériences sensorielles originales, sans peut-être même que les auteurs qui les vivaient ne l’aient compris eux-mêmes :

 

  • Mozart, lettre écrite en 1789, citée par Jean-Victor Hocquard, La pensée de Mozart, p 319 :

“Même s’il s’agit d’un long morceau, j’embrasse le tout dans mon esprit d’un seul coup d’œil, comme si je voyais un beau tableau ou un bel être humain : dans mon imagination je ne l’entends pas en ordre de succession, comme cela doit venir après, mais je saisis le tout pour ainsi dire d’un seul coup.”

 

 

  • Réponse d’Einstein au psychologue Max Wertheimer qui l’interrogeait “en grand détail sur les événements concrets dans ses pensées l’ayant conduit à la théorie de la relativité”. (“La pensée qui a conduit à la relativité”, Productive Thinking, New York, Harper and Bros, 1945, p. 184. Cité par Holton, L’invention scientifique, p. 440-441) :

“Durant toutes ces années, il y avait un sentiment de direction, d’aller droit vers quelque chose de concret. Il est très difficile, bien sûr, d’exprimer ce sentiment en mots. Mais je l’avais dans une sorte de survol, d’une certaine manière visuellement.”

À propos d’Einstein, lire aussi cet article.

 

 

  • R. Feynman :

« Quand je vois des équations, je vois des lettres en couleurs – je ne sais pas pourquoi. Quand je pense aux fonctions de Bessel par exemple, je vois un J brun-roux, un N d’un bleu légèrement violacé et un X marron sombre qui vole autour. Et je me demande vraiment ce que voient les étudiants. »

 

 

Voir également cette page, à propos de L. Wittgenstein, qui disait lui-même ne pas comprendre ce que pouvaient être des “pensées sans images”. Il inventa pour les caractériser la notion de “cécité de l’aspect”.

 

«Il y a un chemin vers la vérité. Mais ce n’est pas celui de la raison, c’est celui de la perception.»

 


 

Pour aller plus loin : lire l’article publié pour la première fois dans la revue PLASTIR
(Plasticités Sciences Arts) :

HEURESTHESIE

Pour une topologie matricielle et dynamique commune de l’Univers physique, des sens et de l’esprit

Suivre ce lien

Design vs emergence : Visualization of knowledge orders

Cette carte est une belle représentation de ce que peut être le vécu intérieur d’un heuresthète. Le plus important n’est pas l’objet de connaissance, mais de percevoir les liens entre les objets de connaissance (voir Design vs emergence : Visualization of knowledge orders)

 


Compléments :

Heuristique : Voir l’article du Cenrte National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNTRL) :

Art de trouver, de découvrir. Il y a bien une critique des valeurs et des moyens de la science, mais l’art de trouver (quoiqu’on l’ait baptisé euristique), demeure aussi personnel que tous les autres arts (Valéry, Entretiens [avec F. Lefèvre], 1926, p. 133).

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25 Comments

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  19. demanCe questionnement donne un sens à nos existences humaines, à l’émergence de la conscience dans notre espèce. Les ouvrages de Jacques Dartan ( créateur de l’école Orthologique)dans les années 60 ) ,pourraient intéresser ceux qui se questionne sur la possibilité de réfléchir “juste” le réel
    Cordialement
  20. REPLY
  21. 3 années ago
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